Originaire de Tokyo, June Fujiwara est une autrice japonaise qui vit à Paris depuis une vingtaine d’années. Elle a réalisé un de ses rêves en écrivant des livres en français. Dans « La parfaite Tokyoïte », son dernier livre, elle décrit comment elle redevient tokyoïte en 72 heures quand elle revient dans sa ville natale.
Dans son prochain livre, en japonais cette fois-ci (パリジェンヌはすっぴんがお好き), elle explique comment, petit à petit, elle est devenue parisienne. Et invite les Japonaises qui veulent vivre leur vie pleinement et librement à devenir un peu « Parisienne ».
Dans ce podcast, June Fujiwara nous parle de ses livres mais aussi de ses années d’apprentissage de la langue français.
TRANSCRIPTION
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Pierre-Marie:
Bonjour à tous, c'est Pierre-Marie, French by Ear – フランス語の聞き取り. Bienvenue dans mon podcast pour un épisode un peu spécial aujourd'hui, puisqu'il s'agit d'une interview. Ça fait très longtemps que je n'avais pas fait d'interview donc j'étais très content, il y a quelques jours, de parler avec June Fujiwara, qui est une autrice japonaise installée à Paris depuis au moins 20 ans.
Pierre-Marie:
June Fujiwara a déjà écrit 3 livres, tous en français et j'ai beaucoup aimé son dernier livre qui s'appelle "La parfaite Tokyoïte". Donc pendant cet entretien avec elle, on a parlé de ce livre mais aussi de son parcours d'apprentissage en français. Comme l'entretien est un peu long et que, par moments, on parle un peu vite, j'ai décidé cette fois ci de mettre une transcription que vous trouverez donc sur mon site internet frenchbyear.com. Voilà, c'est tout pour maintenant et je vous laisse avec cette interview.
Pierre-Marie:
Bonjour.
June Fujiwara:
Bonjour.
Pierre-Marie:
Merci beaucoup d'avoir accepté mon invitation.
June Fujiwara:
Merci de m'avoir invitée.
Pierre-Marie:
Alors aujourd'hui, on va parler de votre livre "La parfaite Tokyoïte" et aussi de votre parcours en français. Donc, j'ai découvert votre livre un peu par hasard, parce que juste avant de prendre l'avion du retour entre Paris et Tokyo, je cherchais un livre pas trop long à lire dans l'avion et donc j'ai vu ce livre dans les rayonnages du libraire.
June Fujiwara:
D'accord.
Pierre-Marie:
En lisant la présentation, je me suis dit : "Entre Paris et Tokyo, c'est parfait, C'est exactement ce qu'il me faut."
June Fujiwara:
C'est pour moi !
Pierre-Marie:
C'est parfait.ぴったり!Et donc j'ai beaucoup aimé ce livre.
June Fujiwara:
Ah, merci beaucoup!
Pierre-Marie:
Et ensuite, j'étais encore plus impressionné de comprendre que vous l'aviez écrit en français.
June Fujiwara:
En français. Exactement.
Pierre-Marie:
Voilà. Alors en fait, c'est votre troisième livre, n'est-ce pas?
June Fujiwara:
Euh, oui, c'est mon troisième livre.
Pierre-Marie:
D'accord, les deux précédents étaient plus sur des… peut être… des présentations ou des explications, un peu de pédagogie par rapport à la culture japonaise, n'est-ce pas?
June Fujiwara:
Oui, en fait. J'ai toujours voulu écrire en français, mais pendant longtemps je ne savais pas quoi. C'était… C'est ça le problème. Et quand j'ai enfin pris ma plume, ce qui est sorti en fait, ce qui est vraiment sorti du fond du cœur, c'était le fait que je voulais expliquer en fait aux Français quelles sont les valeurs japonaises. Parce que quand on parle des valeurs de la République, c'est assez clair, n'est-ce pas ? Liberté, égalité, fraternité. On arrive comme ça à définir les valeurs de la France, les valeurs françaises. Mais le contraire n'est pas si simple. Quand on dit : quelles sont les valeurs japonaises, qu'est-ce que c'est d'être japonais ? C'est extrêmement difficile à expliquer et encore plus à comprendre, j'imagine, pour les Français.
Pierre-Marie:
Donc ça ne tient pas en trois mots…
June Fujiwara:
Non, je ne pense pas, mais je pense qu'il y a quelques mots-clés ou des valeurs pour tenter de bien expliquer ce que c'est d'être japonais. Et c'est ce que je veux… j'ai voulu expliquer dans mes livres. Donc c'était un livre pas du tout académique ni journalistique, volontairement facile à lire. Je pensais surtout à mes amis dans le monde de la mode, de l'art, tous ces Français qui aujourd'hui adorent le Japon. De plus en plus, n'est-ce pas ? Ça surprend toujours mes amies japonaises quand j'explique qu'aujourd'hui les Français sont fous du Japon. Et comme moi qui étais folle de la France il y a 20 ans et aujourd'hui c'est dans les deux sens. Et donc mon but c'était d'expliquer aux Français, ces Français qui adorent le Japon mais qui ne connaissent pas forcément la spiritualité, les valeurs, les coutumes et qui sont encore peut-être dans les clichés. Les Japonais sont polis, ils sont propres. Et voilà, je voulais vraiment montrer un peu plus dans ce côté " Oui, vous aimez le Japon ?" Mais alors "Qu'est-ce que c'est ? Qu'est-ce que c'est le Japon ? Qu'est-ce que c'est d'être Japonais ?" Mais mon premier livre surtout était sur ce que j'appelle le savoir-vivre japonais.
Pierre-Marie:
Le livre s'appelle "Les secrets du savoir-vivre nippon". C'est celui-là, n'est-ce pas ?
June Fujiwara:
Exactement, oui. Et à travers les mots clés comme le 無常, très difficile à expliquer, mais c'est pas impossible. L'impermanence, le 侘び寂び, la beauté du vide, de l'imparfait ou même les notions de "okiyome". Okiyome, pour moi, c'est une notion essentiellement japonaise, c'est-à-dire qu'on passe notre temps à à purifier notre esprit, notre corps, tout ce qui explique notre obsession de la propreté, de l'hygiène, etc. Donc voilà, c'était… J'ai aussi expliqué le concept de 和, très très important au Japon, n'est-ce pas ? L'harmonie avant tout, pas l'individualité à la française, le moi, moi et moi, mais d'abord l'harmonie du groupe avant de penser à moi, ce que je veux, moi qui suis, et cetera, et cetera. Difficile à comprendre !
Pierre-Marie:
Et donc le livre "La parfaite Tokyoïte", est-ce que c'était un peu la même idée ou quelle était votre idée de départ en fait avec celui-ci ?
June Fujiwara:
Alors pour "La parfaite Tokyoïte", l'idée de départ, c'était les Tokyoïtes. Parce que moi, je suis tokyoïte de naissance. Et plus je vis à Paris, plus j'ai le plaisir de rentrer à Tokyo. Et par contre, je me suis dit : "Il y a énormément de livres et de films sur la Parisienne, la New-Yorkaise. Mais étonnamment, il y a très peu de choses, voire rien sur les Tokyoïtes ou la Tokyoïte". Beaucoup de livres sur Tokyo, beaucoup, beaucoup de guides. Parce que voilà, on adore venir aujourd'hui à Tokyo, mais rien sur les Tokyoïtes. Qui sont ces Tokyoïtes ? Donc mon idée de départ, c'était un livre assez court, un peu drôle sur sur ces Tokyoïtes. Donc j'ai rencontré mon éditeur, Pierre Bottura, des éditions Les Arènes, qui a lancé une aussi une édition qui s'appelle Komon, qui justement publie les livres sur le Japon. Et Pierre m'a dit… Il m'a écouté poliment. Il me dit.. parce que entre temps, j'expliquais l'idée de mon livre et je lui disais : "Mais tu sais Pierre, moi, à chaque fois que je rentre à Tokyo. D'abord je suis Parisienne donc je suis surexcitée. Je prends des photos dans les kobini, je m'étonne à chaque coin de rue. Et au bout de trois jours, 72 heures, je redeviens tokyoïte comme si j'étais jamais partie de Tokyo. Et Pierre me dit : "Mais c'est ça qu'il faut raconter, c'est toi la parfaite Tokyoïte !"Et c'est comme ça que le titre est né, "La parfaite Tokyoïte". Et c'est lui qui m'a poussée à écrire plus sur moi que sur les Tokyoïtes.
Pierre-Marie:
Oui, donc le livre est une succession de, on peut dire, de petites saynètes dans la vie tokyoïte qui… on comprend… Peut-être dans un seul voyage ?
June Fujiwara:
Oui, le livre raconte à peu près 72 heures de voyage.
Pierre-Marie:
72 heures, waouh ! D'accord, donc 72 heures très occupées.
June Fujiwara:
C'est pas précisé, mais oui, c'est un peu mon processus de comment je redeviens tokyoïte en trois jours.
Pierre-Marie:
Ah d'accord. Ok, très bien. Alors, en quoi est-ce qu'elle est "parfaite" cette Tokyoïte ?
June Fujiwara:
Le titre est évidemment ironique puisque je ne suis pas la parfaite Tokyoïte. Personne n'est parfait d'ailleurs. Et ça aussi, ça ramène la question : qu'est-ce que c'est la parfaite Tokyoïte ? Est-ce qu'on est réellement, et finalement, est-ce que moi, je suis tokyoïte ? Je suis plus parisienne ou pas ? Et il y a toujours ce côté un peu mon… la dualité de mon identité aujourd'hui, parce que je suis japonaise mais je suis partie vivre à Paris de mon plein gré. J'adore vivre à Paris, mais en même temps, quand je reviens, je suis heureuse. Mais après, est-ce que je suis plus Tokyoïte que parisienne ? Je ne le sais toujours pas.
Pierre-Marie:
Mais en 72 heures, c'est le temps qui qu'il faut pour redevenir tokyoïte en fait.
June Fujiwara:
Oui, pour en tout cas pour retrouver mes repères, mes réflexes, mes habitudes. Et finalement, à travers ce que je vis et comment je me transforme, je voulais raconter ce fameux "Qu'est-ce que c'est d'être tokyoïte aussi ?"
Pierre-Marie:
Il y a une idée qui m'a beaucoup plu dans les toutes premières pages du livre, c'est cette histoire de flux. Est-ce que vous pouvez expliquer aux personnes qui n'ont pas lu le livre cette idée de flux ? Parce que vous dites, je crois même : "Le flux est l'essence même de la ville de Tokyo."
June Fujiwara:
Oui, c'est ce qui frappe, je pense, tout étranger. Quand on arrive à Tokyo, c'est la foule. C'est cette masse de personnes qui se déplace. Et j'utilise le mot flux parce que c'est ça. C'est en mouvement perpétuel, un peu comme une rivière. Et pour moi, être tokyoïte, si on n'arrive pas à apprivoiser finalement ce flux, on n'y est pas. On est vraiment le le provincial ou l'étranger venu se planter là, déranger le flux et on ne comprend pas Tokyo non plus. Et, pour tous ceux qui ont déjà eu l'occasion de venir à Paris ou à New York ou ailleurs dans les mégapoles du monde, il y a la même foule, mais c'est une expérience tout à fait différente. Parce que c'est comme si il y a d'abord l'individu qui existe avant la foule et donc forcément c'est désagréable, la foule. Et à Tokyo, ce n'est pas le cas. Je pense qu'on s'en rend pas compte quand on est tokyoïte et quand on vit dedans. Mais à Tokyo, c'est comme si la foule a une existence en soi. Et c'est inconscient je pense. Mais on est dedans et on se laisse emporter par ce flux. Et c'est là où je me sens toujours la plus tokyoïte. C'est quand j'arrête de me cramponner à mon monde, à moi, à mon individualité. Je me laisse aller. Là, je redeviens tokyoïte. Je pense que n'importe quel touriste a aussi cette expérience, le moment où on se lâche. Et on se laisse aller. Et c'est le moment un peu révélateur.
Pierre-Marie:
Est-ce que cette idée de flux, elle vous était déjà venue avant, quand vous étiez vraiment tokyoïte, dans le sens où vous habitiez à Tokyo ou c'est un point de vue un peu extérieur, presque, puisque vous êtes maintenant moitié parisienne ?
June Fujiwara:
C'est forcément extérieur, forcément. Parce que quand je vivais à Tokyo, je n'avais pas ce point de vue extérieur, externe, et je détestais la foule, tout simplement. Je pensais que c'était pénible, pas pas pénible dans le sens français, la foule est insupportable, mais parce que la foule est presque agréable… Mais j'avais l'impression de flotter dans un bain tiède confortable. Et j'avais juste envie de sortir de là. C'était mon côté, enfin j'avais en plus… j'avais 20 ans donc c'est un peu normal aussi, mais ça me contrariait tout ça. J'avais juste envie de sortir de là, ne plus me laisser emporter par ce flux, cette masse énorme, immense, qui engloutit presque mon existence. Et c'est peut-être pour ça aussi que je suis partie de Tokyo.
Pierre-Marie:
Et en même temps, étant donné le nombre tout simplement d'habitants, ou vous prenez l'exemple de la gare de Shinjuku, quand on quand on passe dans ces endroits, c'est presque la seule façon que "ça se passe bien" entre guillemets, cette idée de flux. Parce que si on commence à réagir un peu à la française, j'allais dire, il y a tellement de monde que ça peut devenir assez assez vite à mon avis catastrophique…
June Fujiwara:
Catastrophique. Oui, c'est ça, c'est, finalement oui, cette ville pour moi n'existe pas sans ce flux. Et pour moi, c'est pour ça que je parle dans les premiers chapitres de cette foule et de ce flux de Tokyoïtes. Le flux est rapide, on se déplace de manière rapide. C'est ce qui me frappe quand on arrive dans un avion de Paris et paf, je suis à Shibuya ou à Shinjuku. Whaou ! La cadence est rapide, il faut vraiment s'y accrocher au début et après. Après, une fois qu'on a… je redeviens tokyoïte, justement, ça devient facile. C'est une seconde nature pour les Tokyoïtes.
Pierre-Marie:
Ouais, on arrive à s'habituer finalement, petit à petit.
June Fujiwara:
On s'habitue très bien.
Pierre-Marie:
Ouais. Donc il y a l'image du banc de poissons, vous dites "C'est un peu comme un banc de poissons". Et si on faisait une image un peu en parallèle pour peut-être la vie dans les transports parisiens, qu'est-ce qui vous viendrait à l'esprit?
June Fujiwara:
Oula, c'est pas un banc de poissons, ça c'est sûr !
Pierre-Marie:
Non, c'est pas un banc de poissons.
June Fujiwara:
Euh, à Paris, qu'est ce qui me vient à l'image…?
Pierre-Marie:
Je voulais proposer comme image une mêlée de rugby peut-être ?
June Fujiwara:
J'irai pas jusque là ! Mais oui, c'est c'est assez chaotique.
Pierre-Marie:
Ça peut arriver.
June Fujiwara:
C'est comme si on se supporte finalement, bon gré mal gré. Et on arrive à vivre ensemble très bien à Paris, en France évidemment. Mais c'est comme une concession, on se supporte d'être ensemble. Et voilà. C'est vraiment une expérience à l'opposé de la foule tokyoïte.
Pierre-Marie:
Très bien. Alors une autre chose qui m'a intéressé, en tout cas, c'est comme ça que j'ai ressenti en partie votre livre. Parce que cette "parfaite" Tokyoïte, elle est tout le temps dehors. Elle est tout le temps dans des petits restaurants, dans des petits commerces, etc.
June Fujiwara:
Oui.
Pierre-Marie:
Je sais pas, j'ai vu pratiquement en lisant ça, je dis c'est presque un éloge du commerce à la japonaise en fait.
June Fujiwara:
Ah oui ? Mais oui, c'est… comment dire ? Moi, j'ai raconté vraiment ce que je fais en arrivant, parce que c'est ce que Pierre, mon éditeur, m'a vraiment poussée à faire. Il m'a dit tout simplement… Parce qu'au début je lui disais : "Mais qui est-ce qui va s'intéresser à ce que moi je fais ?" Je fais rien de spécial quand je rentre à Tokyo, dans ma tête, je dis : "Je fais des courses, je vois mes amis, C'est… il y a rien de spécial. Et qui est-ce qui va lire un livre pareil ?" Il m'a dit : "C'est ça qu'on a envie de lire ! Donc tu vas écrire comme si t'avais une caméra sur tes épaules et tu vas me dire ce que tu vois, ce que tu manges, ce que tu ressens." Et ça, c'était une sorte de révélation pour moi. Parce que, comme vous avez dit au début, pour mes deux premiers livres, j'étais plus dans l'explication de… la tentative d'expliquer ce que c'est que le Japon, ce que c'est d'être japonais… Mon deuxième est un peu sorti de ça parce que j'ai raconté les histoires de mon enfance. C'était une sorte de transition pour moi vers "La parfaite Tokyoïte" et donc je me suis vraiment lâchée. Je me suis dit : "C'est ce que je vais faire". Et c'est pour ça que je raconte que je vais à Matsukiyo, je mange du soba, je suis dans le petit sanctuaire de quartier, je vois mes copines. Voilà donc, heu…
Pierre-Marie:
C'est aussi dans la façon de raconter toutes ces petites aventures presque du quotidien, mais…
June Fujiwara:
Ah, c'est totalement du quotidien.
Pierre-Marie:
Mais c'est raconté d'une façon d'abord très bien écrite, et puis assez amusante aussi. Parce que justement je pense, parce qu'il y a aussi cette distance un peu en même temps puisque vous êtes maintenant parisienne.
June Fujiwara:
Oui.
Pierre-Marie:
Je pense que ça apporte beaucoup à mon avis aussi.
June Fujiwara:
Je pense, oui, que je n'aurais pas pu écrire ce livre si j'étais purement tokyoïte. Et c'est parce que je suis aussi parisienne que j'ai ce regard un peu distancé. Et parce que quelque part, c'est ça, je suis aussi un peu française dans mon point de vue aujourd'hui. Forcément.
Pierre-Marie:
Il y a une petite scène où je me suis dit "Tiens, il y a vraiment peut-être plus de la Parisienne que de la Tokyoïte, mais vous allez me dire… Je crois que c'est dans un café, vous adressez directement la parole à un homme pour lui demander où il a acheté ses chaussettes rouges.
June Fujiwara:
Oui. C'est vrai, au Japon, ça se fait pas trop. Même à chaque séjour, parfois le feu rouge, j'ai envie de traverser. Quand il n'y a aucune voiture en vue. C'est pas possible ! On ne va pas attendre une minute là, sans rien faire. Je ne le fais pas, mais…
Speaker3:
Vous ne le faites pas…
June Fujiwara:
j'y pense à chaque fois. Oui.
Pierre-Marie:
Ok. Donc c'est vrai que l'ensemble du livre raconte un peu toutes ces, donc ces 72 heures dans la vie quotidienne de Tokyo, sur un ton assez, souvent, humoristique. Juste un peu à la fin, on sent une petite pointe de nostalgie. Puisque c'est, je crois, le dernier jour ou la veille de votre retour à Paris et on sent un peu de nostalgie. Vous écrivez : "Sans point d'ancrage, mon cœur balance entre Paris et Tokyo. Deux mondes parallèles, deux identités différentes. Je suis ici, mais ailleurs. Je suis ailleurs, mais ici." Et alors je me suis demandé. En japonais, il y a le verbe 帰る…
June Fujiwara:
Oui.
… qui, si j'ai bien compris mes leçons de japonais, c'est plutôt pour rentrer à la maison.
Speaker3:
Oui.
Pierre-Marie:
N'est-ce pas?
June Fujiwara:
Oui.
Pierre-Marie:
Est-ce que pour vous, ce verbe 帰る, vous l'appliquez quand vous rentrez en France ou quand vous rentrez à Tokyo ?
June Fujiwara:
Ah, c'est une très bonne question parce que je l'emploie dans les deux sens.
Pierre-Marie:
Dans les deux sens, n'est-ce pas ?
June Fujiwara:
Quand je dis à Paris et je dis à mes amis "Mais, je rentre à Tokyo". Et à mes amies japonaises aussi, je dis "今度日本に帰るね。帰国します"。Je rentre.
Pierre-Marie:
Ah, "帰国します". D'accord.
June Fujiwara:
帰国します. 今度帰ります。Et quand je repars à Paris, je ne dis jamais je vais repartir à Paris ou je vais partir à Paris. Je dis : "Je rentre à Paris".
Pierre-Marie:
D'accord…
June Fujiwara:
明日パリ帰ります。Les deux, oui.
Pierre-Marie:
Okay. Donc ça correspond bien à cette image de la fin de ce livre.
June Fujiwara:
Je pense que je suis condamnée à vivre entre Paris et Tokyo.
Pierre-Marie:
D'accord. Dans ce livre, il y a un petit moment où vous parlez de votre…. d'une expérience dans votre apprentissage de la langue française puisqu'il s'agit d'un concours d'éloquence organisé par le Asahi Shimbun je crois. Alors est-ce que vous pouvez expliquer… qu'est-ce que c'était ce concours d'éloquence ? Et en fait, à ce moment-là, vous étiez à l'université ? C'était dans quel cadre en fin de compte ?
June Fujiwara:
Alors c'est un concours d'éloquence qui n'existe plus, je crois, mais qui était LE concours de français à l'époque, organisé par le Asahi Shinbu. Et avec des sponsors de JAL je crois, qui donnait des billets d'avion, etc. Bien sûr, soutenu par l'ambassade de France. Et, moi j'étais à l'époque à l'Université du Sacré-Cœur et n'importe qui peut y participer. Il faut juste, je crois, soumettre un thème et faire un discours devant un jury qui après vous pose des questions. Donc il y a des… Il y a ceux qui choisissent des thèmes littéraires, d'autres non. De mémoire, il n'y avait pas de thème fixe. En tout cas, quand moi j'y suis… j'ai participé. Et il y a eu quatre ou cinq prix dont le premier et le deuxième où on peut gagner un séjour de de deux mois, séjour linguistique en France avec les frais de scolarité et les billets aller-retour fournis avec. Et je crois que c'était quand j'étais en deuxième année de l'université et que je crois, de mémoire… J'avais à l'époque… je faisais tout pour apprendre le français. J'étais un otaku ! Et j'ai fait les cours de l'Atelier français, de l'Institut français, tous les cours et des cahiers de français disponibles et imaginables. Et c'est pour ça que j'ai eu la chance de participer à ce concours.
Pierre-Marie:
D'accord, donc. C'est intéressant, vous dites : "Je faisais tout pour apprendre le français".
June Fujiwara:
Tout !
Pierre-Marie:
Donc il y avait déjà une très grosse motivation…
June Fujiwara:
Oui, alors à partir… quand j'étais encore au lycée et je me disais : "Mais un jour je vais partir à Paris", comme ça. C'était une intuition. Alors pourquoi ? Je ne sais pas ! Parce que dans ma famille, il n'y a personne qui a des liens particuliers avec la France. Sans doute, j'étais attirée par l'art de vivre à la française… Parce que j'étais déjà bilingue en anglais. J'avais vécu en Angleterre, je parlais déjà très bien anglais. Autant dire que partir faire un MBA en Angleterre ou en Amérique, ça m'intéressait pas.
Pierre-Marie:
Ah bon ? D'accord.
June Fujiwara:
Absolument pas ! Non c'est, je… Oui ! Ça m'intéressait absolument pas. Et c'est peut-être pour ça aussi que c'est la France qui m'attirait et à l'époque, apprendre le français était devenu vraiment le but ultime de ma vie, donc je faisais vraiment tout pour maîtriser la langue française.
Pierre-Marie:
Donc forcément, quand vous avez gagné ce concours, c'était. C'était déjà d'un bon niveau j'imagine.
June Fujiwara:
J'imagine.
Pierre-Marie:
Si on prend sur l'échelle européenne, c'était à peu près au niveau B2, peut-être ou…?
June Fujiwara:
Ah, je suis pas très familière avec les niveaux européens mais je parlais déjà, oui, très bien. Très bien, peut-être pas, mais assez bien.
Pierre-Marie:
Sans à l'époque n'avoir jamais voyagé en France en fait.
June Fujiwara:
Euh non. Jamais, non.
Pierre-Marie:
Donc, c'est ce c'est ce concours finalement qui vous a amené à faire votre premier voyage en France ?
June Fujiwara:
Oui, absolument. C'était mon tout premier séjour de deux mois. Et après, je crois qu'à l'université de Sacré-Cœur il y avait des programmes d'échange et j'ai pu repartir pendant sept, huit mois à l'Université catholique de Lyon.
Pierre-Marie:
À Lyon ? D'accord.
June Fujiwara:
Oui, donc à l'époque de mon concours, je ne devais pas parler si bien que ça.
Pierre-Marie:
Et ensuite donc, vous avez poursuivi des études en France.
June Fujiwara:
Après je suis rentrée au Japon pour terminer mon cursus et là j'étais en quatrième année de l'université, et là, je parlais déjà très bien et je faisais surtout des… de l'interprétariat. C'était un アルバイト, mais je faisais des petits jobs comme ça pour traduire parce que les cours de français étaient devenus trop faciles pour moi à l'époque.
June Fujiwara:
Et j'ai aussi fréquenté le Saimaru (?) Academy qui est une école pour, justement, ceux qui veulent devenir interprètes professionnels. Et après je me suis dit : "Je vais repartir en France". Et c'est ça, donc après la quatrième année, quand j'ai fini mon cursus universitaire, je suis repartie à Paris.
Pierre-Marie:
Et là, vous avez travaillé dans une entreprise française ?
June Fujiwara:
Pas tout de suite, non. J'ai fait Sciences Po Paris. J'ai eu quelques mois de préparation parce qu'il y avait aussi des examens d'entrée. J'ai reçu aussi le titre de boursier du gouvernement français avant de partir à Paris.
Pierre-Marie:
D'accord. Très bien.
June Fujiwara:
Et donc j'ai fait deux ans de Sciences Po. Ces deux ans et pas cinq parce que pour les étrangers, il y a cet examen pour entrer en quatrième année.
Pierre-Marie:
En cours de route.
June Fujiwara:
Ouais, ouais. Et c'est après Sciences Po Paris ou… non, c'est pendant que j'étais à Sciences Po que j'ai eu la chance de faire un stage dans le groupe LVMH. Mais par contre, avant de rentrer chez Louis Vuitton, j'ai fait deux, trois ans au poste du service culturel de l'ambassade du Japon à Paris.
Pierre-Marie:
Et ensuite, donc, vous avez travaillé, je crois, une quinzaine d'années ou quelque chose comme ça dans le groupe Louis Vuitton ?
June Fujiwara:
Oui, absolument. Chez Louis Vuitton, Paris.
Pierre-Marie:
Dans le service presse, n'est-ce pas ?
June Fujiwara:
Alors, c'était dans la direction de la communication. Et il y avait un service presse. Il y a toujours un service presse "corporate". Il y a aussi un service presse mode. Et oui, j'ai travaillé 17 ans dans la presse "corporate".
Pierre-Marie:
Et là c'était… Votre langue de travail, c'était l'anglais ou le japonais plutôt ? Ou le français, pardon ?
June Fujiwara:
C'était le français, c'était le français. Un peu anglais quand même, parce qu'il y a aussi des Américains qui travaillent. On est tout le temps en contact avec les zones régionales et là, la langue qu'on utilise est l'anglais. Mais sinon, au quotidien, c'est très très français.
Pierre-Marie:
C'était vraiment français, d'accord.
Speaker3:
Oui.
Pierre-Marie:
Donc vous avez continué à travailler et à progresser dans votre français tout en travaillant finalement ?
June Fujiwara:
Oui, absolument.
Pierre-Marie:
Donc vous êtes partie comme, comme tous les étrangers, vous êtes partie du niveau zéro en français pour aujourd'hui, arriver à un niveau qui vous permet d'avoir ces conversations, d'écrire des livres en français. Quand vous vous retournez sur tout ce parcours d'apprentissage, qu'est-ce qui pour vous a été peut être le plus difficile ou le plus facile ? Est-ce que vous avez comme ça des choses qui vous ont particulièrement marquée dans l'apprentissage de la langue ?
June Fujiwara:
Dans l'apprentissage ? Alors, humm… C'est peut être en arrivant à Paris, le moment où on se rend compte que le français qu'on apprend dans les cahiers et les manuels n'est pas forcément le français qu'on utilise au quotidien, surtout dans le milieu des étudiants. Et là tout le monde me disait : "Mais tu parles, un français très correct !" C'est un compliment. À l'époque, c'était euh, vous savez, Les Guignols à la télé. Et quand je regardais Les Guignols, je comprenais, mais, rien ! Mais vraiment rien ! Parce que c'était pas le français dans les manuels scolaires. Il y a plein de choses comme ça quand on arrive étudiant à Paris ou en France, partout ailleurs où on comprend pas forcément la langue parlée. Et ça, c'était le premier petit choc.
Pierre-Marie:
D'accord. Et alors, comment vous avez fait pour ajuster votre vocabulaire ?
June Fujiwara:
Ben j'ai regardé Les Guignols !
Pierre-Marie:
D'accord. Donc Les Guignols de l'info, je fais une petite parenthèse. C'était une émission humoristique et satirique sur une chaîne de télévision française avec des marionnettes. Et effectivement cette émission… les dialogues utilisaient beaucoup d'argot français.
June Fujiwara:
D'argot, des blagues, des… C'est aussi de la culture générale, n'est-ce pas ? Parce que c'est très satirique. Et aussi on… C'est pas que la langue finalement, parce que l'apprentissage de la langue, jusqu'à un certain point, si on on s'y met, ça s'apprend. Mais après la langue, c'est quelque chose de vivant. J'ai eu ça aussi quand je prenais des cours d'interprétariat simultanée à Saimaru (?) Academy, on devait traduire l'éditorial du Monde et… Déjà la langue très sophistiquée du monde. Mais aussi, si on ne comprend pas la politique, la culture générale, c'est impossible de traduire, n'est-ce pas ? Et donc c'était ça. C'est le moment où je parlais déjà parfaitement dans ma tête, je disais : "Je parle parfaitement le français". J'arrive et je me suis dit, en fait : "Pas du tout !" Et c'est là où je m'étais dit aussi que j'allais faire Sciences Po parce que c'était pour la culture générale. C'est pour se dire, pour vraiment parler la langue française, il faudra que je me plonge dans la culture, la politique, l'art. Enfin tout ce qui fait que la langue soit vivante.
Pierre-Marie:
Oui. Donc la langue en elle même suffit pas, il faut avoir un peu tout le sous titre culturel, historique, etc, finalement.
June Fujiwara:
Comme outil de communication, si, je pense que ça suffit amplement. Mais si on veut vivre dans un pays autre que le sien, c'est vrai que l'apprentissage de la langue seule ne suffit pas.
Pierre-Marie:
Et donc quand vous arrivez en France avec vos collègues étudiants, vous vous rendez compte qu'ils ne parlent pas tout à fait la même langue que vous, pas le même français que vous, ça vous a pas découragé en fait ? Au contraire, peut-être ?
June Fujiwara:
Euh, ça ne m'a pas découragée, non. Au contraire, ça m'a poussée à regarder des films, à lire ce qu'ils lisaient. Ça m'a… Au contraire, ça m'a ouvert vers un monde qui m'était étranger, ça m'a enrichie.
Pierre-Marie:
D'accord.
June Fujiwara:
Je pense que c'est ce qui se passe aujourd'hui pour les jeunes Français qui adorent le Japon et qui apprennent le japonais. Ils me disent tous que les mangas, c'est une excellente, enfin, manière d'apprendre la langue. Parce que finalement, c'est pas que les mots qu'on apprend avec les mangas et les anime.
Pierre-Marie:
C'est vrai qu'il y a d'un côté les méthodes, l'enseignement de la grammaire, etc. Et après, au maximum, si possible… "consommer" du contenu authentique, que ce soient des mangas, des films, de la radio, de la télévision…
June Fujiwara:
Exactement, exactement.
Pierre-Marie:
Et ça c'est un travail plus sur le sur le long terme.
June Fujiwara:
Oui. Mais c'est ça qui est bien. C'est un apprentissage à vie finalement. Et après, la chose qui est finalement peut être la plus difficile, même aujourd'hui, c'est le masculin et le féminin en langue française.
Pierre-Marie:
Ah!
June Fujiwara:
Vous êtes français, vous n'avez pas idée ! Mais même aujourd'hui, moi je me trompe en féminin et masculin. Et ma fille qui est née ici, elle me corrige maintenant.
Pierre-Marie:
Ah d'accord.
June Fujiwara:
Ça quand on n'est pas né avec, c'est dur. Je dis toujours le-la parapluie ? Alors le mot, la cour, le cours.. Extrêmement compliqué. C'est la feuille, mais un mille-feuille. Excusez moi, mais pourquoi !? Il y a énormément de choses qui sont sans aucun sens mais qu'il faut juste savoir et. C'est finalement la chose la plus difficile pour moi en langue française.
Pierre-Marie:
Alors c'est vrai que c'est une question qu'on a souvent, et la question qu'on redoute toujours, c'est quand on nous demande "Pourquoi ?" Parce qu'il n'y a pas vraiment de réponse à cette question.
June Fujiwara:
Et non. Les Français sont cartésiens, mais là, aucune raison, aucun…
Speaker3:
Et en plus, dans beaucoup de méthodes, au début on dit : "Bon, il n'y a pas vraiment de règles, mais quand même, les mots qui se terminent par un "e" sont plutôt féminins."
Speaker3:
Oui.
Pierre-Marie:
Et alors, dans l'esprit des élèves, ça devient une règle absolue. Et donc quand on leur sort un mot masculin qui se termine par "e" ils nous font les gros yeux en disant "Mais on nous a dit que.." Non, c'est vrai que malheureusement il n'y a pas de règle là-dessus et ça reste difficile effectivement, même pour les gens qui ont un niveau extraordinaire en français.
June Fujiwara:
Et oui, et oui..
Pierre-Marie:
Est-ce que vous vous définissez toujours comme une étudiante de la langue française ? Est-ce que vous apprenez toujours du français ?
June Fujiwara:
Je me définirais pas comme étudiante, mais parce que maintenant c'est mon métier finalement d'écrire en français. Mais écrire est aussi un processus et un apprentissage permanent. Et donc oui, j'apprends tous les jours.
Pierre-Marie:
Oui, c'était une question que je voulais vous poser parce que j'ai lu quelque part que c'était un rêve pour vous d'écrire en français ?
June Fujiwara:
Oui !
Pierre-Marie:
Alors, je me suis dit : "C'est un rêve bizarre ça !" Pourquoi ? Comment ce rêve est venu ?
June Fujiwara:
Ah bah je ne le sais pas trop. Ça, c'est une question que je me pose encore. Je voulais déjà… D'où vient cette envie d'écrire ? On ne sait pas. Et pourquoi en français ? Je ne sais pas non plus, mais ce que je sais, c'est que vers l'âge de 17, 18 ans, quand j'ai commencé à apprendre le français, je me suis toujours dit : "Je vais écrire en français." Pour moi, c'est la plus belle langue au monde. Et j'ai toujours voulu écrire en français.
Pierre-Marie:
Donc à cette époque déjà, vous écriviez en français ?
Speaker3:
Des tentatives… Mais c'était tellement difficile. Et puis, après c'était mes études. Après, j'étais dans le monde du travail. 20 ans passent très très vite finalement. Et, ce n'est que récemment que je me suis dit : "En fait, je voulais écrire en français." Et c'était en 2021, quand j'ai publié mon premier livre, que ce rêve s'est finalement réalisé.
Pierre-Marie:
Est-ce qu'il y avait peut-être quelque part une…, comment dire, une influence un peu de cette idée de la littérature française qui est… assez répandue d'ailleurs ici au Japon, sur le côté un peu "Saint-Germain", etc.
June Fujiwara:
Certainement, mais je lis en japonais, français, anglais. Je dirais pas que c'est la littérature française en particulier qui m'a forgée ou qui m'a poussée à écrire. Mais je savais que je devais écrire en français. C'est comme une intuition qui m'est restée et qui… C'est bizarre, mais c'est comme ça.
Pierre-Marie:
… et qui s'est réalisée.
June Fujiwara:
… qui s'est réalisée. Mais maintenant, mon… je vais continuer à écrire en français, mais je vais aussi écrire en japonais. Mon quatrième livre sera en japonais.
Pierre-Marie:
D'accord. Sur sur quel sujet ?
June Fujiwara:
Après "La parfaite Tokyoïte", ce sera sur la Parisienne.
Pierre-Marie:
Ah, très bien.
June Fujiwara:
Mais pas… Pas du tout ces Français qui sont beaux, qui sont dans la mode, qui boivent du café et tout. Parce que comme, comme vous le savez, il y a énormément, énormément de livres, n'est-ce pas, déjà sur la Parisienne, la Française. Et c'est pas du tout ce que je voulais écrire, Ça raconte plutôt le processus d'une Japonaise, moi, qui arrive à Paris et qui intègre Louis Vuitton, donc un monde purement parisien et qui devient petit à petit parisienne dans le sens où c'est une femme qui qui s'assume, qui s'affiche, qui dit ce qu'elle pense et qui n'a pas peur d'être elle-même… Versus vraiment tout ce que j'ai expliqué avant, côté la japonaise qui va plutôt s'efforcer de s'intégrer à la société. Du coup, le mot "société", le 世間 en japonais plus que 社会, le poids du 世間, quand même assez important. Et je voulais donc m'adresser cette fois-ci à mes compatriotes et pour les inciter finalement à dire : "Mais en fait, n'importe qui peut être parisienne dans le sens s'assumer soi même et s'afficher. Être heureuse avec soi-même".
Pierre-Marie:
Même en vivant au Japon, alors ?
June Fujiwara:
Même en vivant au Japon, c'est possible.
Pierre-Marie:
Ah, c'est une idée très intéressante je pense, qui va intéresser beaucoup de de japonaises francophiles, ou pas mais…
June Fujiwara:
Oui, je l'espère ! Je pense qu'on est à une époque charnière et, comme vous le savez, au Japon, les femmes travaillent beaucoup plus. Elles s'affichent, elle s'affirment. Mais, mais quand on parle de cette génération, on va dire les trentenaires, elles savent que c'est possible de faire autrement. Pas comme ma génération, les quadras, quinquas, on n'était plus, un peu, peut-être vécu avec le poids de la société. Les trentenaires se disent : "Oui, mais si. C'est peut être pas la peine de se marier, forcément, c'est… Je peux m'habiller comme je veux, pas la peine que je sorte tous les soirs avec les collègues". Mais en même temps, tout le monde me raconte qu'il y a quand même un "mais" qui les freine. Elles savent que c'est ok, c'est possible, mais elles n'arrivent pas complètement à franchir le pas. Et c'est là où mon éditeur m'a dit : "Écris, écris ce livre parce qu'elles auront peut-être besoin de quelqu'un qui le dit clairement que "Si c'est possible, c'est OK !". Donc voilà, ça va être, ça va être publié dans un mois.
Pierre-Marie:
Ah d'accord. Donc au Japon, j'imagine, évidemment.
June Fujiwara:
Oui.
Pierre-Marie:
D'accord. Bon malheureusement je sais pas si je pourrais le lire tout de suite. Il va falloir que je fasse quelques efforts encore en japonais…
June Fujiwara:
Et malheureusement je ne sais pas s'il sera traduit ou pas. On l'espère, mais on sait jamais pour les livres.
Pierre-Marie:
Ok, donc je reviens juste rapidement sur cette histoire d'écriture en français. Donc il y avait ce rêve. Je voulais savoir si la réalité a été à la hauteur du rêve en fait.
June Fujiwara:
Euh… oui et non.
Pierre-Marie:
D'accord.
June Fujiwara:
Parce que l'écriture est un processus continu, donc j'ai encore énormément de choses à écrire. Ce n'est jamais parfait et donc ce n'est jamais abouti. Je sais pas comment expliquer mais voilà. Donc c'est pour ça que c'est oui et non. Mais oui dans le sens que c'est ce que j'ai voulu faire et c'est ce que j'ai envie de continuer à faire. C'est un plaisir pour moi. Écrire n'est pas pénible, c'est vraiment quelque chose qui me correspond. J'adore toujours autant la langue française. Et voilà. Mais je me dis plus je vais écrire en français ou je vais écrire en japonais. Maintenant c'est plus : "Qu'est ce que j'ai envie d'écrire ?" Et forcément, soit je m'adresse au public japonais ou au public français. J'ai envie d'écrire en anglais aussi. Après peut-être. Donc voilà, je me définis plus par les langues.
Pierre-Marie:
Et est ce que dans cet exercice d'écriture, est-ce que vous pensez que ça apporte quelque chose en plus dans la connaissance de la langue que, je sais pas de la pratique orale ou simplement de l'écoute ? Parce qu'en fait, c'est un peu, quand on étudie, quand on enseigne les langues, l'écriture, c'est un peu le parent pauvre, c'est-à-dire qu'on en fait pas beaucoup en fait. Est-ce que vous pensez que ça apporte quelque chose de particulier ?
June Fujiwara:
Je pense que c'est important. Surtout pour la langue française. Je vois ma fille à l'école. Elle fait beaucoup de dictées. Je pense que c'est une culture française, la dictée.
Pierre-Marie:
Oui, très.
June Fujiwara:
Et le fait qu'on apprend à faire ça du plus jeune âge, j'en déduis que c'est extrêmement important pour la langue française, l'écriture? Par contre, en ce qui me concerne, l'écriture c'est c'est plus un moyen pour se connaître soi-même. Parce que c'est curieux, mais c'est en écrivant que les idées qu'on avait vaguement dans la tête, ou qu'on soupçonnait même pas d'avoir, sortent. C'est un processus, vraiment étrange. C'est par l'écriture que les idées prennent forme. Alors c'est peut-être pas donné à tout le monde, c'est peut-être juste une expression qui me correspond et pas à d'autres. Forcément, il y a des artistes, il y en a qui font des films, d'autres qui chantent. Mais pour moi en tout cas, l'écriture est un processus qui m'aide à former les idées et à me connaître. Parce que c'est comme ça que je découvre finalement ce qui est en moi.
Pierre-Marie:
Ok ben écoutez, c'est vraiment intéressant, On sera impatients de lire la suite, en français, en anglais ou en japonais peut-être ? Merci beaucoup encore une fois.
June Fujiwara:
Merci beaucoup à vous.
Pierre-Marie:
Est-ce que vous voulez peut être terminer par un petit mot d'encouragement pour toutes les personnes ici au Japon qui apprennent le français ?
June Fujiwara:
C'est répétitif, mais le français, c'est vraiment la plus belle langue au monde. Donc si vous avez choisi d'apprendre le français, vous y êtes ! C'est vraiment ce qu'il faut faire. Je continue à le penser. J'encourage qui que ce soit. Même si vous êtes débutant, le fait de se frotter à la langue française, c'est une ouverture vers le monde. Je le pense sincèrement, surtout au Japon, parce que le monde anglo-saxon, la culture américaine, forcément, a un poids immense. Mais le monde, c'est pas que l'Amérique et tout ce que la France représente en culture mais aussi en idéaux, en valeurs, c'est extrêmement important. Et la langue française est le meilleur moyen de le comprendre finalement.
Pierre-Marie:
Je peux pas trouver une meilleure conclusion que ça ! Donc merci encore !
June Fujiwara:
Merci à vous.
Pierre-Marie:
Et je conseille vraiment ce livre. Donc "La parfaite Tokyoïte" qu'on peut trouver ici au Japon, je pense, en tout cas au moins par par internet.
June Fujiwara:
Je pense qu'il est chez Kinokuniya aussi.
Pierre-Marie:
On le trouve chez Kinokuniya. Okay, très bien.
June Fujiwara:
Oui.
Pierre-Marie:
Merci beaucoup. Encore une fois.
June Fujiwara:
Merci beaucoup.
Pierre-Marie:
Au revoir.
June Fujiwara:
Merci à tous. Au revoir.
Pierre-Marie:
Voilà, c'est tout pour cet entretien avec June Fujiwara. J'espère que ça vous a plu. Je vais mettre sur mon site internet la liste détaillée des 3 livres de June Fujiwara et je mettrai aussi donc comme promis, la transcription de ce podcast. Sur ce, je vous dis à bientôt また次回.
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LIVRES DE JUNE FUJIWARA
- Les secrets du savoir-vivre nippon (2021, Les Éditions de l’Opportun)
- Mes rituels japonais (2023, Leduc)
- La parfaite Tokyoïte (2023, Les Arènes / Komon)
- パリジェンヌはすっぴんがお好き (2024, ダイヤモンド社)
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Photos : couverture livre (Komon), portrait June Fujiwara (Ph. Matsas / Les Arènes), Tokyo Tower (Marek Okon, Unsplash).