La biscotte de Proust

Une nouvelle exposition à la Bibliothèque Nationale de France présente des manuscrits du célèbre écrivain, où l’on apprend que sa fameuse madeleine était au départ une simple (et un peu triste) biscotte.

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TRANSCRIPTION

Biscotte – Sonix.mp3: Audio automatically transcribed by Sonix

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Speaker1:
Bonjour, c’est Pierre-Marie. Bienvenue dans un nouvel épisode de French by Ear – フランス語の聞き取り, niveau « intermédiaire » . J’espère que tout le monde va bien. Bien entendu, je vais bien. Il fait très beau ce matin à Tokyo, même s’il fait très froid. Mais c’est une belle matinée d’automne. On entend les cloches (ベル – bells) qui sonnent, on entend les oiseaux qui chantent et un peu plus loin, les enfants qui jouent dans la cour de l’école, puisque j’habite à quelques dizaines de mètres seulement d’une grande école primaire.

Alors ça m’a mis de bonne humeur tout ça et je me suis dit « Tiens, on va parler de culture, on va parler un peu de littérature aujourd’hui ».

Alors pour ceux qui sont en France et en particulier à Paris, il y a en ce moment une exposition sur Marcel Proust à la Bibliothèque nationale de France. Alors, si vous êtes en France, je pense que vous en avez entendu parler parce que, bien sûr, Marcel Proust est un de nos auteurs les plus célèbres et c’est assez rare qu’il y ait une exposition sur cet auteur. Donc on en parle beaucoup dans les médias et dans la presse.

Alors, Marcel Proust est en particulier célèbre pour son œuvre qui s’appelle « À la recherche du temps perdu », qui est, paraît- il, un chef-d’œuvre. Alors pourquoi je dis « paraît-il »? Eh bien, parce que je dois avouer (白状する – confess) que je ne l’ai pas lu. J’ai essayé une ou deux fois de le lire, mais j’ai trouvé que c’était une lecture assez difficile, notamment parce qu’il y a énormément de détails, beaucoup de descriptions et des phrases très très longues, des phrases qui font une page ou plus qu’une page même, avec énormément de ponctuation.

Speaker1:
Donc le style, absolument, c’est vrai, est très joli, très élégant, mais pour mon goût, je trouve que c’est un peu trop, comment dire… peut-être pas assez direct, peut être pas assez « simple » comme littérature, mais tous les gens qui sont experts en littérature et tous les gens courageux qui ont lu « À la recherche du temps perdu » jusqu’au bout s’accordent (賛成する – agree) pour dire effectivement « c’est un chef d’œuvre de la littérature mondiale ».

Alors, il y a dans cette œuvre « À la recherche du temps perdu », un passage qui est particulièrement célèbre. Et ce passage, donc, c’est le fameux passage de la madeleine de Proust. Alors, qu’est ce que c’est, cette madeleine de Proust? Donc, dans le livre, le narrateur, c’est à dire la personne qui raconte l’histoire, explique que, en goûtant une madeleine, donc le petit biscuit traditionnel et très bon, donc en goûtant cette madeleine, ça déclenche (起こす – trigger) des souvenirs de son enfance. Et notamment, il se rappelle que le dimanche matin, sa tante avec qui il habitait trempait une madeleine dans une tasse de thé et lui faisait manger, lui faisait goûter cette madeleine.

Donc ce passage est devenu extrêmement célèbre. Et en fait, quand on dit maintenant la madeleine de Proust, c’est devenu une expression de la vie courante, peut être pas courante, mais c’est devenu une véritable expression française.

Speaker1:
Et donc, quand on dit une madeleine de Proust, on parle de quoi? Eh bien, on parle de ce ce phénomène (事象 – phenomenon) quand, par exemple, le goût de quelque chose ou ça peut être aussi une odeur, ça peut être un son, peut être une musique, en tout cas quelque chose qu’on ressent, donc cette chose là, encore une fois, un goût, un son, une musique, une odeur, peut être même une couleur, va déclencher des souvenirs, c’est à dire va nous ramener dans nos souvenirs, en général plutôt des souvenirs d’enfance ou des souvenirs de jeunesse.

Dans cette exposition, il y a plusieurs manuscrits de Marcel Proust. Manuscrits, ce sont donc les textes qu’il a écrits à la main. Et donc, dans tous ces manuscrits, il y a bien sûr des brouillons (下書き – drafts). Et pour ceux qui pourront aller à la Bibliothèque nationale de France, vous allez voir peut être que dans les différents brouillons, il a écrit plusieurs versions de ce fameux passage sur la madeleine. Et l’objet qui déclenchait ses souvenirs n’était pas toujours une madeleine et il a même fait une version avec une biscotte.

Alors, pour ceux qui ne connaissent pas, comment expliquer? C’est très différent de la madeleine. Les biscottes, ce sont des tranches de pain qui ont été cuites deux fois. Et donc, en fait, c’est un… c’est une sorte de pain, mais très sec et assez dur et craquant (カリカリ – crunchy). Alors, le fait que ces tranches de pain ont été cuites deux fois, et bien ça permet de les conserver longtemps. Donc c’est devenu quelque chose que les Français, certains Français en une bonne partie des Français sans doute, mangent le matin au petit déjeuner avec du beurre ou de la confiture, ou les deux ensemble comme les gourmands comme moi.

Alors c’est assez, c’est assez curieux parce que la biscotte et la madeleine, pour moi, ce sont vraiment deux choses très, très différentes. Comme je l’ai dit, la biscotte, c’est très sec et très craquant. Et la madeleine, au contraire, c’est un biscuit très moelleux, très souple et également très « beurré » souvent. Donc il est, il est vraiment… c’est un biscuit qui est très agréable et très facile à manger alors que, bon, la biscotte, c’est un peu plus, c’est un peu plus sec et un peu moins plaisant, on va dire… Donc, je ne sais pas si Marcel Proust a hésité longtemps entre la biscotte et la madeleine, mais en tout cas, je pense qu’il a bien fait de choisir la madeleine parce que quand on veut avoir cette idée comme ça, de faire revenir à la surface (浮かべる – bring back to the surface) des souvenirs agréables d’enfance ou de jeunesse, eh bien, il me semble que c’est plus sympathique en mangeant une madeleine plutôt qu’une biscotte qui va craquer sous la dent et faire beaucoup de bruit.

Voilà, alors chacun a sa madeleine ou ses madeleines de Proust. Chaque personne a des choses comme ça qui, de temps en temps, vont le ramener en enfance ou dans sa jeunesse ou dans une période heureuse. En tout cas, il y a toujours un peu cette idée de nostalgie quand on parle de madeleine de Proust.

Alors pour vous donner un exemple, en ce qui me concerne, ce serait peut être un son. Je pensais au son, le bruit que le café fait quand il « passe » dans la machine, vous savez, les petites machines italiennes dans lesquelles on fait le café, on met l’eau en dessous, on met le café au-dessus et donc en faisant chauffer l’eau, elle bout et elle passe à travers le café. Et à ce moment là, elle remonte dans un tuyau et elle ressort un peu plus haut avec un petit bruit. Ben c’est le bruit tout simplement du café qui passe. Eh bien, ce café, ce bruit là, si je l’entends, c’est vrai qu’il va me ramener dans ma jeunesse ou… oui dans ma jeunesse on va dire, parce que c’était la façon dont notre famille, en particulier ma mère, préparait le café que l’on buvait en général tous ensemble le samedi ou le dimanche. Donc voilà, ça, c’est un exemple de Madeleine de Proust. Et bien sûr, il y en a d’autres et chacun a ses propres madeleines.

Alors je vais vous mettre sur mon site internet, donc frenchbyear.com, vous allez trouver la transcription bien sûr de ce podcast et je vais rajouter en dessous le texte de Marcel Proust, exactement ce passage (句 – passage) où il parle de la petite madeleine et vous allez voir que ça n’est pas forcément facile.

Speaker1:
Donc la phrase en question, cette phrase qui commence comme ça « La vue de la petite madeleine ne m’avait rien rappelé avant que je n’y eusse goûté… ». C’est le début de la phrase. Vous remarquez ce temps un peu bizarre « que je n’y eusse goûté ». Alors, pour les passionnés de grammaire, sachez que c’est un plus-que-parfait du subjonctif. Mais bon, c’est une curiosité parce que c’est pratiquement jamais utilisé, c’est même jamais utilisé de nos jours, à part effectivement dans un certain type de littérature. On va dire que s’il y avait des jeux olympiques de la grammaire française, le plus-que-parfait du subjonctif mériterait sûrement une médaille d’or ou au moins une médaille d’argent.

Et vous verrez aussi donc que cette phrase est très longue ! J’ai compté que, dans cette phrase, il y avait trois points-virgules et onze virgules. Et aussi on peut voir qu’il y a deux tirets. Donc : trois points-virgules, onze virgules, deux tirets, un plus-que-parfait du subjonctif… Bon, voilà, peut être que vous comprenez pourquoi, même pour les Français et même pour des gens comme moi qui aiment la littérature, ça reste une lecture difficile, exigeante, même si bien entendu, c’est extrêmement bien écrit. Et il y a beaucoup de belles images comme celle ci qui ont fait la réputation de Marcel Proust en France, mais également partout dans le monde, puisque c’est une œuvre, bien sûr, qui a été traduite dans presque toutes les langues.

Voilà, c’est tout pour aujourd’hui, je vous dis Eh bien, à bientôt et また次回.

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Notes :

Voici le passage de « Du côté de chez Swann' » où Marcel Proust nous parle des madeleines de sa tante Léonie. Quizz « Amusez-vous avec Marcel Proust » : combien y a t’il de ponctuations (virgules, points-virgules, …) dans la troisième phrase de cet extrait ?

« Et tout d’un coup le souvenir m’est apparu. Ce goût c’était celui du petit morceau de madeleine que le dimanche matin, à Combray (parce que ce jour-là je ne sortais pas avant l’heure de la messe), quand j’allais lui dire bonjour dans sa chambre, ma tante Léonie m’offrait après l’avoir trempé dans son infusion de thé ou de tilleul. La vue de la petite madeleine ne m’avait rien rappelé avant que je n’y eusse goûté ; peut-être parce que, en ayant souvent aperçu depuis, sans en manger, sur les tablettes des pâtissiers, leur image avait quitté ces jours de Combray pour se lier à d’autres plus récents ; peut-être parce que de ces souvenirs abandonnés si longtemps hors de la mémoire, rien ne survivait, tout s’était désagrégé ; les formes – et celle aussi du petit coquillage de pâtisserie, si grassement sensuel, sous son plissage sévère et dévot – s’étaient abolies, ou, ensommeillées, avaient perdu la force d’expansion qui leur eût permis de rejoindre la conscience. Mais, quand d’un passé ancien rien ne subsiste, après la mort des êtres, après la destruction des choses, seules, plus frêles mais plus vivaces, plus immatérielles, plus persistantes, plus fidèles, l’odeur et la saveur restent encore longtemps, comme des âmes, à se rappeler, à attendre, à espérer, sur la ruine de tout le reste, à porter sans fléchir, sur leur gouttelette presque impalpable, l’édifice immense du souvenir. »

Photo : https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Zwieback-1.jpg